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ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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Langue françoise (Page 9:266)
Langue françoise, (Gramm.) il me semble que les ouvrages françois faits sous le siecle
de Louis XIV. tant en prose qu'en vers, ont contribué autant qu'aucun autre événement,
à donner à la langue dans laquelle ils sont écrits, un si grand cours, qu'elle partage avec
la langue latine, la gloire d'être cette langue que les nations apprennent par une
convention tacite pour se pouvoir entendre. Les jeunes gens auxquels on donne en
Europe de l'éducation, connoissent autant Despréaux, la Fontaine & Moliere, qu'Horace,
Phédre & Térence.
La clarté, l'ordre, la justesse, la pureté des termes, distinguent le françois des autres
langues, & y répandent un agrément qui plait à tous les peuples. Son ordre dans
l'expression des pensées, le rend facile; la justesse en bannit les métaphores outrées; &
sa modestie interdit tout emploi des termes grossiers ou obscènes.
Le latin dans les mots brave l'honnêteté, Mais le lecteur françois veut être respecté.
Cependant, je ne crois pas qu'à cet égard notre langue ait en elle - même un avantage
particulier sur les langues anciennes. Les Grecs & les Romains parloient conformément
à leurs moeurs; nous parlons, ainsi que les autres peuples modernes, conformément aux
nôtres; & les différens usages que l'on fait d'instrumens pareils, ne changent rien à leur
nature, & ne les rendent point supérieurs les uns aux autres.
On doit chérir la clarté, puisqu'on ne parle que pour être entendu, & que tout discours
est destiné par sa nature, à communiquer les pensées & les sentimens des hommes; ainsi
la langue françoise mérite de grandes louanges en cette partie; mais quelque precieuse
que soit la clarté, il n'est pas toujours nécessaire de la porter au dernier degré de la
servitude, & je crois que c'est notre lot. Dans l'origine d'une langue, tout le mérite du
discours à dû sans doute se borner - là. La difficulté qu'on trouve à s'énoncer clairement,
fait qu'on ne cherche dans ces premiers commencemens qu'à se faire bien entendre, en
suivant un ordre sévere dans la construction de ses phrases. On s'en tient donc alors aux
façons de parler les plus communes & les plus naïves, parce que l'indigence des
expressions, ne laisse point de choix à faire entre elles, & que la simplicité du lange, ne
connoît point encore les tours, les délicatesses, les variétés & les ornemens du discours.
Lorsqu'une langue a fait des progrès considérables, qu'elle s'est enrichie, qu'elle a acquis
de la dignité, de la finesse, & de l'abondance, il faut savoir ajouter à la clarté du style
plusieurs autres perfections qui entrent en concurrence avec elle, la pureté, la vivacité, la
noblesse, l'harmonie, la force, l'élégance; mais comme ces qualités sont d'un genre
différent & quelquefois opposé, il faudroit les sacrifier les unes autres, suivant le sujet
& les occasions. Tantôt il conviendroit de préférer la clarté à la pureté du style; & tantôt
l'harmonie, la force ou l'élégance, donneroient quelque atteinte à la régularité de la
construction; témoin ce vers de Racine:
Je t'aimois inconstant, qu'eussai - je fait fidéle!
Dans notre prose néanmoins ce sont les regles de la construction, & non pas les
principes de l'harmonie, qui décident de l'arrangement des mots: le génie timide de notre
langue, ose rarement entreprendre de rien faire contre les regles, pour atteindre à des
beautés où il arriveroit, s'il étoit moins scrupuleux.
L'asservissement des articles auquel la langue françoise est soumise, ne lui pas permet
d'adopter les inversions & les transpositions latines qui sont d'un si grand avantage pour
l'harmonie. Cependant, comme le remarque M. l'abbé du Bos, les phrases françoises
auroient encore plus de besoin de l'inversion pour devenir harmonieuses, que les phrases
latines n'en avoient besoin; une moitié des mots de notre langue est terminée par des
voyelles; & de ces voyelles, l'e muet est la seule qui s'élide contre la voyelle qui peut
commencer le mot suivant: on prononce donc bien sans peine, fille aimable; mais les
autres voyelles qui ne s'élident pas contre la voyelle qui commence le mot suivant,
amenent des rencontres de sons désagréables dans la prononciation. Ces rencontres
rompent sa continuité, & déconcertent son harmonie; les les expressions suivantes sont
ce mauvais effet, l'amitié abandonnée, la fierté opulente, l'ennemi idolâtre, &c.
Nous sentons si bien que la collision du son de ces voyelles qui s'entrechoquent, est
désagréable dans la prononciation, que nous faisons souvent de vains efforts pour
l'éviter en prose, & que les regles de notre poësie la défendent. Le latin au contraire
évite aisément cette collision à l'aide de son inversion, au lieu que le françois trouve
rarement d'autre ressource que celle d'ôter le mot qui corrompt l'harmonie de sa phrase.
Il est souvent obligé de sacrifier l'harmonie à l'énergie du sens, ou l'énergie du sens à
l'harmonie; rien n'est plus difficile que de conserver au sens & à l'harmonie leurs droits
respectifs, lorsqu'on écrit en françois, tant on trouve d'opposition entre leurs intérêts, en
composant dans cette langue.
Les Grecs abondent dans leur langue en terminaisons & en inflexions; la nôtre se borne
à tout abréger par ses articles & ses verbes auxiliaires. Qui ne voit que les Grecs avoient
plus de génie & de fécondité que nous?
On a prouvé au mot Inscription que la langue françoise étoit moins propre au style
en
lapidaire que les langues grecques & latine. J'ajoure qu'elle n'a point [p. 267]
partage l'harmonie imitative, & les exemples en sont rares dans les meilleurs auteurs; ce
n'est pas qu'elle n'ait différens tons pour les divers sentimens; mais souvent elle ne peint
que par des rapports éloignés, & presque toujours la force d'imitation lui manque. Que
si en conservant sa clarté, son élégance & sa pureté, on parvenoit à lui donner la vérité
de l'imitation, elle réuniroit sans contredit de très grandes beautés.
Dans les langues des Grecs & des Romains, chaque mot avoit une harmonie reglée, & il
pouvoit s'y rencontrer une grande imitation des sons avec les objets qu'il falloit
exprimer; aussi dans les bons ouvrages de l'antiquité, l'on trouve des descriptions
pathétiques, pleines d'images, tandis que la langue françoise n'ayant pour toute cadence
que la rime, c'est - à - dire la répétition des finales, n'a que peu de force de poësie & de
vérité d'imitation. Puis donc qu'elle est dénuée de mots imitatifs, il n'est pas vrai qu'on
puisse exprimer presque tout dans cette langue avec autant de justesse & de vivacité
qu'on le conçoit.
Le françois manque encore de mots composés, & par conséquent de l'énergie qu'ils
procurent; car une langue tire beaucoup de force de la composition des mots. On
exprime en grec, en latin, en anglois, par un seul terme, ce qu'on ne sauroit rendre en
françois que par une périphrase.
Il y a pareillement aussi peu de diminutifs dans notre langue, que de composés; &
même la plûpart de ceux que nous employons aujourd'hui, comme cassette, tablette,
n'ont plus la signification d'un diminutif de caisse & de table; car ils ne signifient point
une petite caisse ou une petite table. Les seuls diminutifs qui nous restent, peuvent être
appellés des diminutifs de choses, & non de terminaisons: bleuâtre, jaunátre, rougeátre,
sont de ce caractere, & marquent une qualité plus foible dans la chose dont on parle.
Ajoutons, qu'il y a un très - grand nombre de choses essentielles, que la langue
françoise n'ose exprimer par une fausse délicatesse. Tandis qu'elle nomme fans s'avilir
une chevre, un mouton, une brebis, elle ne sauroit sans se diffamer dans un style un peu
noble, nommer un veau, une truie, un cochon. *SURW/THS2 & RGHO/LOS2, sont des
termes grec, élégans qui répondent à gardeur de cochons, & à gardeur de boeufs, deux
niots que nous employons seulement dans le langage familier.
Il me reste à parler des richesses que la langue françoise a acquises sous le regne de
Louis XIV. Elles sont semblables à celles que reçut la langue latine, sous le siecle
d'Auguste.
Avant que les Romains s'appliquassent aux Arts & aux Sciences spéculatives, la langue
des vainqueurs de toutes les nations manquoit encore d'un prodigieux nombre de termes,
qu'elle se procura par les progrès de l'esprit. On voit que Virgile entend l'Agriculture,
l'Astronomie, la Musique, & plusieurs autres sciences; ce n'est pas qu'il en présente des
détails hors de propos, tout au contraire, c'est avec un choix brillant, délicat, &
instructif.
Les lumieres que les siecles ont amenées, se sont toûjours répandues sur la langue des
beaux génies. En donnant de nouvelles idées. ils ont employé les expressions les plus
propres à les inculquer, & ont limité les significations équivoques. De nouvelles
connoissances, un nouveau sentiment, ont été décorés de nouveaux termes, de nouvelles
allusions: ces acquisitions sont très - sensibles dans la langue françoise. Corneille,
Descartes, Pascal, Racine,