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Le personnage objet
L'autre face de la médaille, le roman objectif, le personnage sans intériorité, vu de l'extérieur par une caméra qui le suit mais ne le comprend pas, en arrive quand même à décréter la mort du moi, mais la perspective est différente. L'individu disparaît dans l'indifférence sociale. L'œil implacable qui le décrit le retrace comme un être collectif pris dans une dynamique historique à laquelle il ne peut pas se soustraire (Mice and men de Steinbeck).
En France l'histoire de ce type de narration remonte aux grands cycles réalistes (de Balzac, dont les personnages sont toutefois on ne peut plus individualisés, à Zola, qui accomplit un énorme pas en avant en cette direction, dans les techniques descriptives aussi, qui sont déjà cinématographiques).
Jules Romains, dès le premier
volume des Hommes de bonne volonté (1932) déclare vouloir se consacrer aux foules, aux grands mouvements d'ensemble et non plus aux individus, ni aux familles. Qu'on ajoute à tout cela le traumatisme de la deuxième guerre mondiale, qui fait table rase de l'idée de héros : si les romans de la première guerre étaient d'habitude centrés sur une figure héroïque (avec la grande exception du Bardamu de Céline) : Barbusse (Le feu), Malraux (La condition humaine), Hemingway (Pour qui sonne le glas), le deuxième conflit engendre la figure héroïque de la victime et un profond et diffus sentiment de culpabilité (Mauriac, Bernanos, Graham Green). Le héros est devenu une chose, dépourvu de liberté et de personnalité autonome, pris dans un flux qui est celui de sa conscience ou de l'histoire, sans aucune possibilité de fuite.Structure externe : paratexte
Un roman possède une structure fermée quand il est doté d'une conclusion claire, soutenue d'habitude par une division en chapitres, tomes et volumes qui sont dotés à leur tour d'un titre dont le rapport avec le contenu de l'histoire est clair.
Structuration interne : fiction
Structure fermée
"La narration linéaire, qui suit l'ordre chronologique des événements, qui présente clairement les personnages et qui souligne dans le texte le lieu de l'aventure, correspond parfaitement à la structure close" (p. 87). La Recherche a une structure fermée : c'est l'histoire d'une carrière d'écrivain (formellement un roman de formation : mais on verra que chez Proust tout se complique d'une vérité plus cachée et profonde). L'organisation en est cohérente et
dialectique : du temps perdu au temps retrouvé. La tension binaire se retrouve dans la structure ternaire : Swann (l'enfance, le paradis perdu) ; Guermantes (l'enfer de la vie mondaine) ; Temps retrouvé (le paradis de l'enfance retrouvée). La structure se ferme sur la figure du cercle, et recommence le cycle dans un mouvement d'éternité. La construction est bien "en cathédrale", malgré les retours en arrière, le temps de la conscience, les incohérences de détail.
Le "roman de l'artiste est en quelque sorte déjà circulaire dans sa nature : le héros écrit le livre dont il est protagoniste.
Le roman collectif aussi a d'habitude une structure close, mais synchronique et totalisante 25 ans d'histoire, tout de 25 ans d'histoire) : Jules Romains, Les hommes de bonne volonté. Le roman de guerre est aussi toujours un roman de génération,
Avec des règles bien définies dès le début : il raconte des événements déjà connus du lecteur, il est situé à un moment donné de l'histoire et dans un lieu précis du monde (Malraux, Hemingway). Même un roman destructuré et entièrement centré sur la conscience du héros comme La route des Flandres de Claude Simon doit obéir à ces règles (et ce n'est pas pour rien que Claude Simon ne se reconnaît pas entièrement dans le nouveau roman).
Vers les structures ouvertes
La structure arithmétique
C'est une structure fondée sur un calcul mathématique, le plus souvent symbolique et non apparente. Elle découle des recherches ésotériques et alchimiques des surréalistes (Second manifeste, 1929). Raymond Queneau, dans Les enfants du limon (1938) "conduit des recherches sur les "fous
littéraires », auteurs de nombreuses spéculations mathématiques, notamment sur la quadrature du cercle, et rêve d’une Encyclopédie des Sciences Exactes. Le contenu s’adapte parfaitement à la forme, elle-même numérotée, du livre » (p.105). Le nombre possède une puissance symbolique et philosophique qui touche parfois à des recherches métaphysiques parfois à une élaboration ludique et presque gratuite où l’art retrouve une liberté qu’elle semblait avoir perdue (Perec, La vie mode d’emploi, 99 chapitres et un épilogue, Milan Kundera, La vie est ailleurs, L’insoutenable légèreté de l’être, Risibles amours). L’œuvre ouverte L’ouverture de la structure invite le lecteur à devenir créateur, à participer de la construction de l’œuvre. Fragmentation et
Collage sont les techniques les plus utilisées au XXe siècle.
Fragmentation : Jean Cocteau : Le Potomak, 1919, roman composé de morceaux épars, images, dessins, qui raconte l'histoire d'un monstre, le Potomak, et l'aventure intérieure du narrateur (anticipation chez Alfred Jarry : Gestes et opinions du docteur Faustroll, 1911 : origine de ce type de destructuration : symbolisme).
En 1920 Malraux avait publié Aux origines de la poésie cubiste, en montrant combien ce type de technique devait à la peinture (l'art total et le rapport de plus en plus étroit parmi les arts : encore symbolisme). Ce qui fait la structure ouverte c'est l'impossibilité d'assembler les divers morceaux de l'œuvre en une unité.
Collage Très utilisée par les surréalistes, cette technique consiste en l'assemblage de "matériaux" divers : pages de journaux,
photographies destinées à remplacer les descriptions que Breton condamne dans le premier Manifeste. Les matériaux doivent contraster violemment pour provoquer le choc poétique. L'interprétation reste ouverte et c'est au lecteur de construire l'histoire.
La technique du montage prévoit l'alternance de plus d'une fiction dans un même roman (cinéma) : la relation entre les histoires est d'ordre symbolique. Italo Calvino : Se in una notte d'inverno un viaggiatore (1979) : c'est le montage de 11 histoires, leur commentaire et l'histoire de leur lecture : c'est un système à tiroirs qui ne renvoie qu'à lui-même et qui dégage le charme du possible.
C'est en effet sur le charme du possible, sur les histoires "qui auraient pu être" que se concentre le groupe d'OULIPO Ouvroir de littérature potentielle. Avec Oulipo
on entre dans l'univers du jeu, des mathématiques et de l'acrobatie intellectuelle (Jacques Roubaud, Raymond Queneau, Georges Perec).
Littérature potentielle : il s'agit de proposer des contraintes pour composer des textes littéraires : par exemple écrire un roman où la lettre "e" soit absente (Perec La disparition). C'est la recherche formelle qui prend le dessus : la forme produit le sens, ou le sens n'est plus nécessaire (influence des théories littéraires formelles et de la "nouvelle critique").
L'œuvre ouverte, le jeu, le renvoi de l'œuvre à l'œuvre, l'inachevé paraissent la marque de la modernité : quelque chose qui ne soit jamais terminé, qui soit toujours à recommencer et ne prononce jamais une parole définitive (Le Livre de Mallarmé : feuillets interchangeables).
La ville proustienne
Recherche est certainement le roman de Paris : le nom de la ville paraît 539 fois dans l'ensemble de l'œuvre, dont 108 fois dans Du côté de Guermantes, et auxquelles il faut ajouter les noms de rues et magasins. Le Paris de Proust se compose schématiquement de trois cercles : le Faubourg Saint-Germain (le quartier de la noblesse et des salons, de ce monde aristocratique qui est en passe de disparaître et dont la Recherche retrace la décadence : l'histoire, et la vanité de tout dans la vie sauf l'art) ; le quartier de l'Opéra et des Boulevards (à cause des théâtres et de l'art dramatique, qui représente l'un des symboles choisis par Proust de la dynamique du désir et de la désillusion, mais aussi de l'intangibilité de l'art et de l'impossibilité de l'immobiliser en une loi définitive) ; les
Champs-Elysées et le Bois de Boulogne (à cause de Gilberte et des amours de jeunesse du héros, qui retracent la dynamique du désir amoureux, toujours déçu et toujours relancé vers un but ultérieur, mais quand même destiné à la déception et au malentendu). Mais la Recherche est aussi une fresque historique du monde intellectuel et culturel du Paris de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Un personnage comme Brichot incarne tous les professeurs de la Sorbonne, partagée en ce moment entre deux tendances : une tendance scientifique nouvelle et une tendance littéraire et humaniste représentée par le docteur Cottard. Ce que Proust enregistre c'est le changement qui est en train de se produire dans ce monde, la réception d'une culture qui est en train de naître et la défaite d'une autre qui déchoit. Les mouvementslittéraires sont retracés à travers les yeux de personnages qui souvent ne les comprennent pas : par exemple le Symbolisme vu par Brichot, ou les mouvements artistiques du XXe siècle interprétés par le personnage principal.