Van Donger, Kees – Temps retrouvé

Temps retrouvé

Kees Van Donger est un peintre hollandais qui a illustré, entre autre, le Temps retrouvé de Marcel Proust. Le dessin représente certains aspects du roman : la société, les milieux, l’atmosphère. Le sujet évoque la société du début du siècle en voie de disparition et dont Proust est le témoin et un observateur attentif et ironique. On remarque un bon nombre de détails qui nous font penser à cette classe sociale, à laquelle Proust, lui-même appartenait, et à la Belle Époque.

Tout d’abord, le jeune homme au premier plan a une attitude statique, élégante, mais fausse et forcée. Il se tient débout, appuyé contre un fauteuil bleu et doré (les couleurs de la noblesse, de la monarchie et donc de la richesse). Il tient à la main un livre, mais ses yeux sont tournés ailleurs : on dirait presque vers le néant. Sans doute, il aime la littérature, la culture, l’art, la musique, comme le protagoniste de la Recherche et Proust lui-même. Ensuite le cadre.
Sur la droite on a un aperçu de la maison, sans doute un appartement cossu, donnant sur les Champs-Elysées, ce qui est souligné par la présence du serviteur en livrée, apportant une boisson. Lejeune homme est donc un intellectuel qui imite l’aristocratie, habillé d’une façon recherchée, selon la mode dandy de l’époque. Peut-être fréquente-t-il les salons où il se consacre à des conversations sans aucun sens et où tout n’est qu’apparence. Cependant, il y a d’autres éléments qui nous font penser au roman et aux endroits fréquentés par le Narrateur.
Au loin, au milieu d’un bois, s’élève une église, l’église de Combray où l’écrivain a passé son enfance qu’il a fait revivre grâce à l’épisode de la madeleine trempée dans une tasse de thé. Tout à fait en bas, on distingue la mer et un bateau à voile : on sait qu’il s’agit d’une station balnéaire de la Côte Normande où le Narrateur revoit Albertine, la fille Swann, dont il était tombé amoureux à l’âge de quinze ans. Comme Proust, le Narrateur découvre l’art pendant un séjour à Venise et voilà que le dessin reproduit, au loin, la cathédrale de la Place Saint-Marc ainsi que le clocher.
Les souvenirs des deux endroits, Venise et Combray, reviennent à la surface grâce à la mémoire affective : le procédé est le même. Un jour, en traversant la cour de l’hôtel de Guermantes (Le Narrateur tombera amoureux de la duchesse de Guermantes), le Narrateur, en marchant sur le pavé, se souvient de deux dalles inégales du baptistère de Saint-Marc, à Venise, où il avait séjourné autrefois. Soudain, comme dans l’épisode de la madeleine, tout Venise réapparaît involontairement dans son esprit.
Pour conclure, cette image représente une synthèse de la Recherche : on y retrouve le Narrateur (ou Proust lui-même), le monde de son enfance, le milieu où il a vécu, le monde de la bourgeoisie parisienne et celui des salons fermés, les plages à la mode, les goûts et les préférences de l’époque et surtout le thème du temps retrouvé.