Indice
Introduction
Voltaire est le plus grand historien du XVIII siècle. Dans les préfaces de ses œuvres et dans sa correspondance, l’écrivain lui-même nous explique sa conception de l’histoire, qu’il met en pratique dans l’Histoire de Charles XII, Le Siècle de Louis XIV, l’Essai sur les mœurs et dans le Précis du siècle de Louis XV.La méthode
Voltaire est le premier historien français à avoir puisé aux sources, è s’être documenté auprès des témoins, à avoir consulté très attentivement des mémoires. Ses prédécesseurs immédiats, Mézeray et le Père Daniel, avaient déclaré que, avoir recours aux sources fatigue vainement et que les documents manuscrits sont des paperasses inutiles.Pour l’Histoire de Charles XII, il a interrogé de vive voix et par lettre des contemporains (lorsque Charles XII est mort, Voltaire avait 84 ans): le roi Stanislas de Pologne, le maréchal de saxe, l’envoyé secret de la France a Bender, le ministre d’Angleterre en Turquie et tant d’autres.
Pour le Siècle de Louis XIV il a recueilli les témoignages de Choiseul, de Caumartin et d’autres personnages de famille importantes. Il a aussi consulté les manuscrits de Louis XIV, les papiers de Colbert et de Louvois, les mémoires manuscrits de Saint-Simon et les Archives d’ Etat. IL s’est documenté aussi sérieusement avec plus de difficultés et sans témoins vivants pour composer son Essai sur les mœurs.
Il a été le premier aussi à soumettre les témoignages à une critique très attentive; il a confronté les textes, fit des recoupements, fixé le degré d’impartialité des auteurs des mémoires; il a rejeté tout ce qui n’était pas atteste par les registres publics.
La philosophie des événements: le hasard et le progrès
Dans son œuvre historique, voltaire s’inspire d’une philosophie des événements tout à fait nouvelle.Il n’admet ni la thèse providentielle de l’histoire (car les faits ont tous des causes humaines), ni la thèse de Montesquieu car, à peu à peu, il dénie la logique des causes et des effets qui s’enchaînent. Il explique le déroulement des affaires humaines par deux forces: le hasard et le progrès.
Le hasard, ce sont des relations mécaniques et fatales entre les faits, le désordre des instincts aveugles et des mauvaises passions ; il correspond aux causes les plus insignifiantes à l’origine des grands événements. Le progrès c’est la lutte victorieuse de la raison éclairée contre l’ignorance, la superstition et le fanatisme surtout religieux : c’est la conséquence des efforts des grands hommes.
Le rôle des grands hommes dans l’histoire - Exemple de Louis XIV
Pour Voltaire, les grands hommes ont un rôle capital dans l’histoire ; d’eux dépend la supériorité d’une nation. Et les grands siècles sont ceux où les grands hommes ne se voient pas contrariés, mais servis par les autres hommes et par les circonstances. D’où les portraits admirables que Voltaire a peint de Charles XII et de Pierre Le Grand, de Saint Louis, d’Henri IV, des grands Français du XVII siècle et du roi lui-même. Il a fait l’apologie de Louis XIV qu’il admire pour son dévouement aux arts, aux lettres et à la science : il a encouragé les écrivains qui ont valu au français de devenir langue universelle, il a envoyé en Afrique et en Amérique des missions scientifiques, il a accordé sa faveur aux écrivains français, en admettant, par exemple, Racine à sa Cour, il a comblé de dons et d’honneurs les savants de l’Europe entière, il a développé les manufactures. Voltaire lui est très reconnaissant de ces bienfaits et il néglige les erreurs du règne.Le siècle de Louis XIV
Le centre du livre est occupé par la personne du roi et les particularités de la Cour, avec une multitude d’anecdotes qui, à l’époque étaient tout à fait inédites.La première partie du livre est consacrée aux campagnes militaires et aux traités.
La troisième partie comprend tous les renseignements concernant la politique intérieure : la justice, le commerce, la police, les finances, auxquels s’ajoute l’état des sciences et des arts, avec une galerie de tous les grands écrivains.
Enfin on a un prolongement de quelques chapitres qui groupe les affaires religieuses et les disputes théologiques, protestantisme, jansénisme, etc.
Le but de l’œuvre
Voltaire a sans doute voulu écrire l’histoire de la civilisation française sous un grand règne, mais il a voulu aussi montrer en Louis XIV un despote encore insuffisamment éclairé (pour lui le despote idéal était Frédéric II de Prusse) et dans le XVII siècle une période admirable par les lettres et l’administration, mais trop occupé de disputes religieuses et pas encore très loin par rapport aux lumières des Philosophes du XVIII siècle.Essai sur les mœurs On y retrouve un dessein analogue, la même méthode et le même esprit du Siècle de Louis XIV. L’ouvrage fait un tableau complet des mœurs et du génie des nations, soutenu par des considérations philosophiques: c’est l’histoire du progrès humain. Il nous apporte une nouveauté ultérieure: le sentiment des différences entre les époques comme entre les nations, c’est-à-dire le sens des métamorphoses dans les mœurs: le princes d’autrefois ne sont plus représentés comme des princes du XVII siècle comme on avait l’habitude de faire, autrement dit, les historiens doivent toujours distinguer différentes époques dans la description des mœurs.
Conclusion
L’édition définitive rassemble, sous forme de cycle complet les trois œuvres historiques de Voltaire: Essais sur les mœurs, Le Siècle de Louis XIV, Précis du règne de Louis XV. Le chapitre final du dernier livre porte le titre « Des progrès de l’esprit humain dans le siècle de Louis XV ». Cela révèle l’exacte tendance : c’est une histoire de la civilisation.Valeur de Voltaire historien
Trop engoué de Louis XIV, Voltaire ne voit pas la misère de la nation et il ne distingue même pas entre le siècle du grand roi et le XVII siècle et il ne reconnaît pas les mérites de Richelieu et de Mazarin. Il se montre incapable de résister aux impulsions de sa haine contre tout ce qui est catholicisme ou métaphysique; hypnotisé aussi par l’idée de progrès, il raille Descartes, Bossuet et Pascal et il méconnaît le sentiment religieux qui a constitué l’âme profonde du Grand Siècle dans son ensemble. Il dédaigne plusieurs aspects du Moyen Âge mais il admire les civilisations non chrétiennes comme la chinoise, celles des Hindous et des Musulmans.En dépit de ces réserves, il a posé les bases de l’histoire moderne. Sa méthode est rationnelle car il ne cherche d’autres causes que des causes historiques. Sa méthode est documentaire et elle vise à la connaissance intégrale car il veut décrire tous les domaines de l’activité humaine. En outre, il a le sentiment de l’évolution et de la relativité des époques. Enfin, il s’est efforcé d’atteindre l’impartialité et il y est arrivé dans une large mesure.
C’est pourquoi Voltaire doit être considéré, malgré ses lacunes, comme le fondateur de l’histoire moderne et le précurseur des grands historiens français du XIX siècle.