Europe et sa formation

L’Europe

Au milieu du XIXe siècle, dans une Europe encore divisée par les conflits, les frontières et les ambitions impérialistes, Victor Hugo se distingue par une vision profondément novatrice et pacifiste de l’avenir du continent. À travers ses discours prononcés lors du banquet anniversaire du 24 février 1848 et au Congrès de la Paix de 1849, il imagine une Europe unie, solidaire et fraternelle. Ces paroles, prononcées bien avant la création de l’Union européenne, résonnent aujourd’hui comme une prédiction inspirée.
Dans son discours de 1848, Hugo défend l’idée que le continent européen pourrait devenir un seul et même peuple, composé de nations autonomes mais unies par un destin commun. Chaque pays conserverait sa propre identité – l’Italie aux Italiens, la Pologne aux Polonais, la Hongrie aux Hongrois – mais dans une harmonie collective : la France ferait partie de l’Europe, et l’Europe, elle, s’inscrirait dans une humanité universelle. Hugo rejette le nationalisme fermé, au profit d’un internationalisme humaniste.
Il imagine une Europe sans guerres, où les armées deviendraient inutiles. À ses yeux, les relations entre les pays européens devraient ressembler à celles entre les régions d’un même pays : la France avec l’Allemagne, l’Italie avec la France, comme la Normandie avec la Picardie. Ce serait une Europe sans frontières, sans barrières douanières, fondée sur le libre-échange, la circulation libre des biens et des personnes, avec une économie en pleine expansion.
Victor Hugo va même plus loin en parlant d’une monnaie commune européenne, qui remplacerait toutes les monnaies nationales, trop nombreuses, compliquées et marquées par le pouvoir des souverains. Cette monnaie serait garantie par la richesse de l’ensemble du continent et soutenue par l’activité libre de centaines de millions d’Européens. Il évoque déjà, un siècle et demi avant sa création, l’idée d’une union monétaire européenne, comme l’euro d’aujourd’hui.
Dans son discours prononcé au Congrès de la Paix de 1849, Hugo insiste encore davantage sur l’idéal de paix. Il affirme qu’un jour viendra où la guerre semblera aussi insensée entre deux capitales européennes qu’elle le serait aujourd’hui entre deux villes voisines d’un même pays. Il rêve d’un continent où les différences nationales ne seront plus sources de conflit, mais des richesses culturelles au service de l’unité.
Son message est profondément visionnaire: il imagine que les armes seront remplacées par les votes, que les peuples éliront leurs représentants pour discuter ensemble des affaires du continent, dans une sorte de Parlement européen, comparable aux institutions parlementaires nationales comme le Parlement britannique ou la Diète allemande. Cette fraternité européenne serait gouvernée par un grand Sénat souverain, garant de la paix et de la justice entre les nations.
Victor Hugo, à travers ces discours, pose les fondements moraux et politiques de l’idée européenne. Il propose une Europe unie dans sa diversité, où la paix remplace la guerre, où les peuples coopèrent dans le respect mutuel, et où le progrès économique et démocratique est partagé par tous. Ces paroles, bien qu’utopiques pour son époque, annoncent l’esprit même du projet européen tel qu’il se développera à partir du XXe siècle.

La construction européenne

L’histoire de la construction européenne commence après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de reconstruction et de volonté de paix durable entre les nations du continent. L’idée était de créer une solidarité économique et politique entre les pays européens pour éviter de nouveaux conflits. Cette idée se concrétise d’abord avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), fondée en 1951 par six pays : la France, l’Allemagne de l’Ouest, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Ce premier pas vers l’union a permis de mettre en commun les productions de charbon et d’acier, ressources fondamentales pour l’industrie et la guerre.
En 1957, ces six pays signent les traités de Rome, qui fondent la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). L’objectif est de créer un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux. C’est le début d’un processus d’intégration économique approfondie.
Une étape décisive a lieu avec le traité de Maastricht, signé en 1992 et entré en vigueur en 1993. Ce traité marque la naissance officielle de l’Union européenne (UE). Il introduit la notion de citoyenneté européenne, qui permet aux citoyens de l’UE de circuler, de résider, de voter et de se présenter aux élections municipales et européennes dans n’importe quel État membre. Maastricht prévoit aussi l’Union économique et monétaire, qui mènera plus tard à l’introduction d’une monnaie unique: l’euro. Parallèlement, les accords de Schengen, signés en 1985 mais appliqués progressivement à partir des années 1990, instaurent un espace de libre circulation sans frontières intérieures entre les pays signataires. Les contrôles aux frontières sont supprimés, ce qui renforce la mobilité des citoyens européens.
En 1999, l’euro devient la monnaie officielle de 11 pays membres de l’Union européenne (utilisée d’abord pour les transactions bancaires et financières), et en 2002, les billets et les pièces en euros sont mis en circulation. La zone euro comprend aujourd’hui 20 pays (à partir de 2023, avec l’adhésion de la Croatie). La gestion de l’euro est assurée par la Banque centrale européenne (BCE), située à Francfort. Elle veille à la stabilité des prix et à la politique monétaire de la zone euro.
En 2013, l’Union européenne atteint son plus grand élargissement avec 28 États membres, après l’adhésion de la Croatie. Cependant, un événement majeur modifie la dynamique de l’UE: le Brexit. En 2016, le Royaume-Uni organise un référendum dans lequel 52 % des votants choisissent de quitter l’Union. Après plusieurs années de négociations, le Royaume-Uni quitte officiellement l’UE le 31 janvier 2020, mettant fin à 47 ans d’appartenance.
L’Union européenne repose aujourd’hui sur plusieurs institutions fondamentales qui assurent son fonctionnement démocratique :
1. Le Parlement européen, élu au suffrage universel direct tous les cinq ans par les citoyens européens, représente les peuples de l’Union. Il vote les lois européennes, approuve le budget et contrôle les autres institutions. Il siège à Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg. Parmi ses figures importantes, on peut citer Roberta Metsola, actuelle présidente depuis 2022.
2. La Commission européenne est l’organe exécutif de l’UE. Elle propose les lois, veille à leur application et gère les politiques communes. Chaque pays membre désigne un commissaire. La présidente actuelle est Ursula von der Leyen, première femme à occuper ce poste, depuis 2019. Elle incarne la volonté d'une Europe plus verte, numérique et souveraine.
3. Le Conseil européen réunit les chefs d’État ou de gouvernement des États membres, ainsi que son président et la présidente de la Commission. Il fixe les grandes orientations politiques de l’Union. Depuis 2019, le président du Conseil européen est Charles Michel, ancien Premier ministre belge. Le Conseil européen joue un rôle essentiel dans les décisions stratégiques, comme les élargissements ou la réponse aux crises internationales.
4. À ne pas confondre avec le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne (ou Conseil des ministres) représente les gouvernements des États membres. Il partage le pouvoir législatif avec le Parlement européen.
Aujourd’hui, l’Union européenne continue à évoluer face à de nombreux défis, comme le changement climatique, les tensions géopolitiques, la guerre en Ukraine, la transition numérique et la montée des populismes. Malgré ses difficultés, l’UE reste un espace unique de coopération politique, économique et sociale, un modèle de paix et de solidarité qui cherche à renforcer sa place dans le monde.