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Le jeu des portraits
Non; mais je veux, Madame,/ Ou pour eux, ou pour moi, faire expliquer votre âme…Aujourd'hui vous vous expliquerez…Point. Vous vous déclarerez…Vous prendrez parti…Non; mais vous choisirez: c'est trop de patience.
Alors commence le jeu des portraits: à l'invitation de ses prétendants, Célimène brosse avec esprit, mais non sans médisance, selon l'usage mondain, quelques portraits féroces d'amis absents, ce qui met Alceste, jusqu'à là silencieux, en fureur. Et lorsqu'il ne peut plus se retenir et qu'il explose:
Allons, ferme, poussez mes bons amis de cour; Vous n'en épargnez point, et chacun a son tour. Cependant aucun d'eux à vos yeux ne se montre, Qu'on ne vous voie en hâte aller à sa rencontre, Lui présenter la main, et d'un baiser flatteur Appuyer les serments d'être son serviteur.
Célimène
va alors châtier cruellement l'empêcheur de médire en rond en faisant sur le même ton un portrait de son malheureux amant, ce qui équivaut métaphoriquement à le mettre sur le même plan que les importuns dont elle vient de faire rire ses prétendants:
Et ne faut-il pas bien que Monsieur contredise? À la commune voix veut-on qu'il se réduise, Et qu'il ne fasse pas éclater en tous lieux, L'esprit contrariant qu'il a reçu des cieux? Le sentiment d'autrui n'est jamais pour lui plaire; Il prend toujours en main l'opinion contraire, Et penserait paraître un homme du commun, Si l'on voyait qu'il fût de l'avis de quelqu'un.
L'honneur de contredire a pour lui tant de charmes, Qu'il prend contre lui-même assez souvent les armes; Et ses vrais sentiments sont combattus par lui, Aussitôt qu'il les voit dans la bouche.
dextérité remarquable. Il utilise des répliques percutantes et des jeux de mots pour renforcer l'impact émotionnel des scènes. Par exemple, lorsque Alceste déclare "Les rieurs sont pour vous, Madame, c'est tout dire", il souligne à quel point la satire est dirigée contre lui. Cette réplique est à la fois ironique et tragique, renforçant ainsi la souffrance du personnage. De plus, la progression de la séquence est soigneusement orchestrée. Chaque scène s'enchaîne de manière fluide, créant ainsi une tension dramatique croissante. Le spectateur est ainsi captivé par l'évolution de la situation et se sent de plus en plus impliqué émotionnellement. En conclusion, cette séquence de scènes dans "Le Misanthrope" de Molière est un exemple brillant de construction dramatique. Les répliques percutantes, la tension dramatique croissante et l'écriture habile de Molière contribuent à créer une expérience théâtrale puissante pour le spectateur.maîtrise parfaite de son art. D'une part, dans sa façon de conduire le dialogue en exploitant jusqu'au bout les moindres effets potentiels qu'offre une situation. C'est le cas de l'échange, le plus pathétique peut-être de tout son théâtre, durant lequel Célimène, faisant preuve d'une diabolique habileté, retourne la situation en sa faveur, alors qu'elle est coupable (IV, 3). On la voit, dans un premier temps, éviter de répondre à Alceste en posant elle-même des questions, comme pour faire admettre que, n'étant pas coupable, elle est en position de le faire: ALCESTE Vous ne rougissez pas en voyant cet écrit? CÉLIMÈNE Et par quelle raison faut-il que j'en rougisse? ALCESTE Quoi? vous joignez ici l'audace à l'artifice? Le désavouerez-vous, pour n'avoir point de seing? CÉLIMÈNE Pourquoidésavouer un billet de ma main? (IV, 3, v. 1328-1332)
Puis, en tergiversant de la sorte, elle pousse son amant hors de ses gonds, au point qu'il outrepasse les limites de la bienséance et devient injurieux, puisqu'il parle de "détour", d'"excuse", de "ruses grossières" et même de "mensonge", puis qu'il lui demande une sorte d'humiliante explication de texte:
Voyons, voyons un peu par quel biais, de quel air, Vous voulez soutenir un mensonge si clair, Et comment vous pourrez tourner pour une femme Tous les mots d'un billet qui montre tant de flamme? Ajustez, pour couvrir un manquement de foi, Ce que je m'en vais lire...
C'est cette "faute de l'adversaire" que Célimène attendait pour reprendre le dessus, en vertu du principe de la toute-puissance de la maîtresse: Il ne me plaît pas, moi. Je vous trouve plaisant d'user
d'un tel empire, Et de me dire au nez ce que vous m'osez dire. (v.1346-1358)
Elle se venge alors cruellement d'Alceste, qui ne sait trop comment faire oublier son emportement et reprendre le dialogue, au point qu'il implore en termes émouvants celle qu'il accusait quelques instants auparavant:
ALCESTE
Non, non: sans s'emporter, prenez un peu souci
De me justifier les termes que voici.
CÉLIMÈNE
Non, je n'en veux rien faire; et dans cette occurrence,
Tout ce que vous croirez m'est de peu d'importance.
ALCESTE
De grâce, montrez-moi, je serai satisfait,
Qu'on peut pour une femme expliquer ce billet.
CÉLIMÈNE
Non, il est pour Oronte, et je veux qu'on le croie. (v. 1359-1365)
La maîtrise de l'écriture moliéresque apparaît encore plus nettement lorsqu'on rapproche les vers du de ceux de qui en sont à l'origine. On perçoit à cette occasion,
Le Misanthrope est une comédie de Molière qui met en avant l'efficacité de son écriture. On peut le constater notamment par l'utilisation fréquente de la personnalisation, qui accentue la subjectivité des discours des personnages et resserre leur relation. Par exemple, dans ce court extrait de Dom Garcie:devient dans Le Misanthrope:DOM GARCIE: Vous ne rougissez pas en voyant cet écrit?
DON ELVIRE: L'innocence à rougir n'est point accoutumée.
DOM GARCIE: Il est vrai qu'en ces lieux on la voit opprimée.
Ce billet démenti pour n'avoir point de seing...
ALCESTE: Vous ne rougissez pas en voyant cet écrit?
CÉLIMÈNE: Et par quelle raison...
faut-il que j'en rougisse?
ALCESTE
Quoi? vous joignez ici l'audace à l'artifice?
Le désavouerez-vous, pour n'avoir point de seing ?
(Resp. v. 563-66 et v. 1328-31)
Alors que Done Elvire répondait au moyen d'une maxime, par nature impersonnelle, Célimène s'exprime à la première personne, et de surcroît au moyen d'une question, ce qui, nous l'avons vu plus haut, témoigne de sa ruse. De plus, alors que Dom Garcie recourait à l'ironie froide, Alceste rugit et attaque sur un "Quoi!", dont la vertu sonore contribue à souligner la vivacité de la réaction; en outre, sa réplique est bien plus personnalisée, puisqu'il accuse Célimène par le recours à la deuxième personne: "vous joignez...". Et l'on pourrait ainsi multiplier les exemples. Quand Dom Garcie disait:
Rougissez maintenant:
vous en avez raison,Et le masque est levé de votre trahison. (v. 1274-75).
Alceste renonce à cette tournure passive, et recourt à une forme bien plus directe et autrement coercitive:Rougissez bien plutôt, vous en avez raison; Et j'ai de sûrs témoins de votre trahison. (v. 1287-88).
Ce genre de procédé d'écriture joue ainsi un rôle déterminant au théâtre, en accusant la dimension émotive du discours, de façon que le spectateur ressente davantage la présence physique du personnage: Alceste est de chair et de sang à côté d'un Dom Garcie, qui tient plus de la présence diaphane.
La réflexion philosophique que mène Molière sur la vaste question du rapport de l'homme et du monde, de l'homme et de la vérité impossible, appelle quelques remarques sur la signification humaine et la portée de la pièce.
Comme nous l'avons dit plus haut, c'est le couple Alceste-Philinte qui traduit le conflit intime du poète, et la double tentation du rejet et du réalisme. On sait bien que Philinte voit juste, sans conteste, quand il prône "parmi le monde une vertu traitable" (I, 1, v. 149), mais pour autant il n'approuve pas plus le monde que ne le fait La Fontaine quand il écrit : "La raison du plus fort est toujours la meilleure". Par là, contient une critique de la vie mondaine et plus largement de la société, et la de Donneau de Lettre écrite sur la comédie du Misanthrope Visé nous en prévient : L'auteur [...] fait encore parler à son héros d'une partie des mœurs du temps ; et ce qui est admirable est que, bien qu'il paraisse en quelque façon ridicule, il dit des choses fort justes. Il est vrai qu'il semble trop exiger ; mais ilfaut demander beaucoup pour obtenir quelque chose ; et pour obliger les hommes à se corriger un peu de leurs défauts, il est nécessaire de les leur faire paraître bien grands. Quels sont les vices qu'Alceste reproche au monde dans lequel il vit? Certes, la duplicité et l'hypocrisie, les démonstrations d'amitié qui sont de purs mensonges, et les éloges dont on accable ceux dont on vient de dire tout le mal possible. Certes aussi, la veulerie et la lâcheté qui permettent au "franc scélérat" avec lequel Alceste a procès non seulement d'agir avec impunité, mais de jouir de l'estime générale, et en définitive de triompher des gens les plus honnêtes. Et à cet égard, notre comédie témoigne d'une aspiration à un monde plus droit, à une vie plus belle et plus morale.un«là-bas» qui correspondrait au