Sagan, Françoise - Bonjour tristesse (2)

Introduction

En 1954, Françoise Sagan écrit Bonjour tristesse : elle n’avait que dix-huit ans et le roman eut beaucoup de succès. Cela s’explique sans doute par un talent précoce qui a su traiter avec désinvolture le thème du scandale, de l’oisiveté et du luxe. Les intrigues, simples et généralement amoureuses, les personnages, un couple, un trio qui semblent jouer la comédie, créent une atmosphère de demi-teintes, un monde décadent privé de valeurs. Françoise Sagan analyse, dans un style sans éclat, proche de l’inachevé, la mélancolie, la tristesse, le désespoir d’être dégradés par l’alcool ou par l’argent. Dans le roman, la protagoniste, Cécile, va découvrir la tristesse, après le suicide de la maîtresse de son père, Anne. Françoise Sagan se limite à constater cette sorte de « mal du siècle » et cette recherche d’un bonheur qu’elle nomme « une absence d’ennui. Il s’agit d’une sorte de tricherie répétée avec une continuelle monotonie qui constitue la chronique d’un mal du siècle très médiocre. Ce thème est constat dans les romans qui suivent : Un certain sourire, Dans un mois, dans un an, Aimez-vous Brahms..., Les Merveilleuses Nuages, La Chamade et Le Garde du cœur. Françoise Sagan s’est aussi lancée dans quelques tentatives théâtrales telles que Château en Suède et Le Cheval évanoui.

Le récit

Cécile, une jeune adolescente, passe ses vacances d’été sur la Côte d’Azur avec son père Raymond, un publicitaire et coureur de femmes, âge de quarante ans environ et Elsa, sa nouvelle amante, une jeune fille d’une vingtaine d’années. La vie de mondanité et de dolce far niente est interrompue par l’arrivée d’Anne Larsen, femme aristocratique et raffinée, amie de la mère de Cécile, décédée quelques années plus tôt. Séduit par le charme d’Anne, Raymond lui propose de l’épouser à leur retour à Paris. La nouvelle d’un changement inévitable et d’une nouvelle présence dans sa vie suscite chez Cécile un fort bouleversement, au point que la jeune fille décide d’élaborer un plan pour réveiller la jalousie de son père. Elle cherche à convaincre Elsa qu’elle est courtisée par Cyril, le jeune amant de Cécile, certaine que son père ne supportera pas l’idée d’un rival amoureux. Tombant dans ce piège, Raymond invite Elsa à sortir, mais les deux sont pris en flagrant délit par Anne. La réaction de la femme, cependant, a une fin tragique car elle se suicide.

Le luxe, l’atmosphère chaleureuse de la Méditerranée, les flots de la recherche de la beauté et du plaisir : c’est une aura de légèreté que l’on respire dès les premières pages du roman de Sagan. Ce sentiment ne se limite pas au décor mais il imprègne peu à peu n’importe quoi : les mots, les intentions, les personnages. Le père est hédoniste et il est incapable d’accepter les rides qui commencent à apparaître autour des yeux. Téméraire, presque audacieuse est le choix de Cécile de s’abandonner dans les bras d’un jeune homme, désirait connaître l’amour physique avec lequel il n’entre jamais vraiment en communion.

La morale de la jeune fille est discutable et peut être lue comme une
dénonciation du vide de valeurs ressenti par la jeunesse des années cinquante, qui permet docilement de se débarrasser de tout ce qui constitue un inconfort, un fardeau ou une responsabilité. Une profonde insatisfaction à l’égard de l’être, qui bloque les personnages dans une recherche effrénée de nouvelles possessions et de gratifications éphémères et qui les amène à se regarder dans le miroir sans voir l’obscurité intérieure qui les saisit, sans ressentir de remords ou de culpabilité. Le message qui a fait sensation à l’époque, mais qui peut encore conduire à des considérations différentes aujourd’hui, c’est que la vie doit être vécue au-delà du bien et du mal. Mais quand, dans la réalité paraît dans son véritable aspect, la conscience émerge et il ne reste plus qu’à dire : « Bonjour tristesse ».