Du Bellay, Joachim - Heureux qui comme Ulysse: analyse et commentaire

J. du Bellay ; Heureux qui, comme Ulysse – Analyse

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme celui-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la douceur angevine.

Joachim du Bellay, Les Regrets, sonnet XXXI, 1558

Il s’agit d’un sonnet classique, formé de deux quatrain et de deux tercets (ABBA, AABBA, CCD, EEF)
Dans le premier quatrain, Du Bellay compare son voyage à celui des héros antiques.

En effet la nostalgie du pays natal se traduit par une réflexion sur des voyageurs célèbres (Ulysse, Jason) puis sur son propre statut d’exilé.
On peut distinguer les termes qui exaltent le voyage et ceux qui exaltent la nostalgie. La référence aux héros antiques permet de peindre les aspects positifs du voyage : aventure glorieuse, retour, repos et sagesse. Mais quant la nostalgie avance, alors Du Bellay ne fait plus référence à des noms illustres, mais à des lieux qui tirent leur valeur de l’affection qu’il leur porte. Les multiples manifestations de la nostalgie sont soulignées par l’interrogation du vers 5 (« Quand reverrai-je, hélas….), par la reprise de cette interrogation au vers 7, par la présence d’un bon nombre d’adjectifs possessifs, par le choix de détails évocateurs, tous très concrets (le village, la cheminée, le clos, la pauvre maison), par l’hyperbole du vers 8 (le clos devient une province et beaucoup davantage)
Dans la première strophe, Du Bellay médite alors que dans la seconde il se lamente. La méditation et la lamentation sont marquées par des temps différents. Le futur des vers 5 e 8 marque un avenir déterminé alors que le passé simple des vers e2 se rapporte à un passé lointain. Le présent du vers 8, qui témoigne de la perpétuelle actualité de l’émotion que le poète prouve, s’oppose au passé composé du premier quatrain qui dessine aspect désormais achevé des actions évoquées.
Dans le texte on retrouve des espaces contrariés : l’espace lié à l’enfance et l’espace lié l à la gloire (Rome). On peut retrouver des oppositions architecturales et des oppositions géographiques. A la grandeur de Rome, concrétisée par les palais aux frontons audacieux s’oppose la simplicité d’une construction presque anonymes, représentée par le clos, la pauvre maison, la cheminée qui fume, le petit village de campagne. Les oppositions géographiques sont éclatantes : d’un côté on a le Tibre latin et le mon Palatin, de l’autre le petit Liré, le village de province. La préférence de Du Bellay s0oriente vers le pays natal et la présentation des lieux se base sur l’alternance du pays natal et de rome. Vers 9 : lieu natal, vers 10 : le milieu romain, vers 11 : la France ; vers 12 e13 : Rome ; vers 14 : Rome, France
Le premier quatrain dans lequel il rappelle Ulysse et Jason, le poète établit une connivence culturelle avec le lecteur, ce qui prépare une sorte de confidence qui caractérise les quatrains suivants. Le derniers vers offre un contraste suggestif : l’air marin, c’est-à-dire l’air vif, l’aventure et la gloire, s’opposent à la douceur angévine représentée par l’absence d’ éclat et la vie caché. La présence de rimes féminines en contraste avec les rimes précédentes donne un sens d’apaisement.